Petits fours, lettres mystérieuses et arsenic

The Three undelivered Letters
(Haitatsu sarenai santsu no tegami – 配達されない三通の手紙)
Yoshitarô Nomura – 1979

Noriko, la fille d’un banquier, a autrefois connu un grand malheur personnel. Alors qu’elle devait se marier avec Fujimura, un employé de la banque de son père, le jeune homme est parti la veille du mariage sans donner d’informations. Dévastée, Noriko est restée cloîtrée dans sa chambre durant trois ans. Mais tout change maintenant avec un appel contrit de Fujimura désirant tenter de bon l’aventure du mariage. Contre l’avis de son père, Noriko accepte la proposition et le couple semble filer le premier amour durant les premières semaines. Mais un jour, Keiko, sa sœur cadette et Bob, un lointain parent japano-américain venu au pays pour parfaire ses études, découvrent par hasard trois étranges lettres. Dans la première, datée du 11 août, l’auteur indique que sa femme est subitement tombée malade. Dans la deuxième, datée du 20 août, il écrit que sa femme est dans un état critique. La dernière, datée du 15 septembre, annonce sa mort. Problème : tout annonce que la femme en question est Noriko et que ces lettres ont été écrites par anticipation. Dès lors Ai et Bob vont surveiller la santé de Noriko ainsi que les agissements de son mari…

Petit à petit, on découvre un peu plus de la vaste filmographie de Nomura. Avec quasiment à chaque fois une constante, la recherche d’un lourd passé familial qui sera découvert à la toute fin du film. Si vous avez aimé L’Incident ou Le Château de sable, il n’y a aucune raison pour que vous boudiez votre plaisir même si The Three undelivered Letters n’atteint pas les hauteurs du Château de sable (et encore moins celles de l’Eté du démon -auquel il succède dans la filmographie de Nomura- en terme de valse des émotions). Adapté de Calamity Town d’Ellery Queen, il n’en reste pas moins intéressant à suivre à partir de la découverte des lettres.

Bonheur retrouvé de Noriko et Fujimura

L’enquête est menée exclusivement par le duo Keiko/Bob, jeunes gens qui alternent l’entretien du corps (pas ce que vous croyez, il y a juste pas mal de scènes où on les voit faire un footing ensemble) et celui de l’esprit (ça cogite sévère pour trouver la clé de l’énigme). Bob, qui a un regard étranger et plus neutre, photographe à ses heures perdues, est celui qui semble disposer du plus d’atouts pour accéder à la vérité. Keiko est quant à elle utile de par sa parfaite connaissance des diverses personnalités de sa famille. Dans leurs conversations, ils mettent à plat devant le spectateur tous les ressorts du problème qui tend d’ailleurs à devenir un peu plus compliqué avec l’arrivée de la sœur de Fujimura :

Le physique est avenant, la personnalité l’est moins. Sans-façon et assez peu sympathique, Tomoko semble entretenir une relation trouble avec son frère. Alors que ce dernier passe devant la salle de bain dans laquelle elle prend sa douche, la direction du regard de Fujimura paraît pour le moins surprenante pour un frangin…

(mais permet cependant au spectateur d’apprécier l’anatomie de Keiko Matsuzaka)

Quelle est leur relation ? Sont-ils vraiment frère et sœur ? Sont-ils complices ? Ou y en a-t-il seulement un des deux intéressé par la mort de Noriko, l’autre étant là pour l’empêcher dans son forfait ? Telles sont les questions qui occupent l’esprit du spectateur et celui de Bob/Keiko. Et la réponse urge car Noriko ne tarde pas à faire un premier malaise à cause d’une dose d’arsenic versé dans son verre…

Autant dire que le whodunit  a un aspect Cluedo. Ici ce n’est pas le fameux « qui a tué le colonel Moutarde dans le salon avec le chandelier ? » mais « qui verse à petites doses de l’arsenic de Noriko ? ». Le spectateur se prend gentiment au jeu, un peu comme il le ferait à la lecture d’un Agatha Christie, et j’avoue que je n’avais pas pressenti la résolution de l’énigme. Et comme le film est servi par un casting appréciable, avec Shin Saburi en « Otosama » sévère et magnanime, acceptant de redonner sa chance à Fujiwara, Komaki Kurihara en épousé humiliée mais toujours très amoureuse, et Keiko Matsuzaka en soeur dévergondée et malpolie, autant dire que les deux heures dix passent sans trop de problème, permettant de conclure une solide décennie pour Nomura.

7,5/10

 

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