Chusei Sone fait la tournée des bars

Coup dur la semaine dernière pour la préfecture de Kumamoto avec ce tremblement de terre et ces innombrables répliques entraînant 41 morts.

Mais de manière beaucoup plus confidentielle, moins spectaculaire (et heureusement moins grave) coup dur aussi pour la Golden Gai, ce quartier de Shinjuku dans lequel se côtoient des dizaines de bars dans un réseau quadrillé de minuscules ruelles. Il y a quelques jours un incendie a eu lieu, réduisant en cendres en cendre six établissements. Connaissant la capacité des Japonais à reconstruire illico ce qui a été détruit, on pourrait penser que ce n’est pas si grave mais il se trouve que ce quartier est depuis quelque temps dans une posture inconfortable. Plus que jamais dans le viseur de promoteurs qui aimeraient bien virer ces bars d’un autre âge (mais Ô combien pittoresques) pour construire à la place on ne sait quel centre commercial ou hôtel de luxe, c’est le genre de crasse qui paraît tout de suite suspect et qui rappelle les incendies criminels des années 80, incendies du fait de yakuzas cherchant eux aussi à récupérer le quartier pour y construire des établissements plus lucratifs.

Bref, pour ceux qui y ont traîné leurs guêtres, cette info fait froid dans le dos. Moi qui n’y suis allé qu’une seule fois, j’avais été absolument sous le charme de ces ruelles qui me donnaient l’impression de faire une plongée dans le japon des années 60. La promenade avait tourné court car le bar où je comptais me rendre était comme par hasard en congé (et se risquer dans d’autres était un peu intimidant, je dois avouer), mais je me promettais bien d’y retourner lors de mon prochain séjour… en espérant que d’autres types louches ne décident pas de jouer avec le feu au milieu de ces maisons construites avec des allumettes (aux dernières nouvelles, un SDF de 66 ans serait suspecté d’avoir déclenché l’incendie. Pourquoi ? Comment ? Ça reste à déterminer).

Enfin voilà, tout cela pour en venir au film du jour :Shinjuku-midare-gai-Ikumade-matte-(1977)

Shinjuku Midaregai : ikumade matte

(Chusei Sone – 1977)

Je sais, immédiatement vous vous dites : O.K., on le voit venir, ce qui précède est juste prétexte à faire comme d’hab’ de mauvais jeux de mots avec « incendies », « lance » ou « pompier ». Tout ça juste après avoir évoqué ce qui s’est passé à Kumamoton, quel foutu salopard ! Eh bien non, vous avez tout faux. De calembour, il n’y en aura pas dans l’article (ou alors un ou deux). Et comme vous aurez compris avec l’affiche que nous allons découvrir aujourd’hui une perle méconnue du roman porno, ne pensez pas qu’il va s’agir aujourd’hui d’une plongée dans le cradingue le plus cloaqueux. Si plongée il y a, ce sera pour découvrir ceci :

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Eh oui, parmi les innombrables réalisations de Chusei Sone durant les 70’s, on trouve ce roman porno de 1977 se déroulant justement dans la Golden Gai. Vous n’avez jamais osé pénétré dans l’un de ces mastroquets ? Dôzo :

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Oups ! Pardon madame !

Comme toujours l’histoire tient en peu de mots, il s’agit d’une histoire d’amour tortueuse entre Mimi (jouée par Miyako Yamaguchi), une jeune serveuse dans l’un de ces bars, et son amant, un jeune auteur cherchant à faire accepter des scénarios. Comme le lieu est propice à des rencontres en tout genres, et comme surtout nous sommes dans un roman porno, on devine que ce couple est prétexte à toutes les infidélités, à toutes les engueulades puis à toutes les réconciliations les plus torrides.

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Le pauvre écrivain s’étonne que ses manuscrits soient toujours refusés ! Mais allez fournir un travail correct lorsque vous êtes toujours perturbé de la sorte !

Autour d’eux gravite tout une galerie de personnages pittoresques qui ont l’habitude de s’en jeter plusieurs ensemble jusque tard dans la nuit. Pas de salary men ou d’O.L., plutôt une bohème artiste qui plaisante, se bourre la gueule (dans les deux sens d’ailleurs), fume de la beuh et baisotte volontiers avec les serveuses une fois leur service fini.

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Autre charme du film : on a droit en fond sonore de quelques tubes de l’époque. Sans avoir pu mettre un nom à sa voix, j’y ai entendu à un moment un des célèbres folkeux d’alors.

Le tout dans la chaleur de l’été, accentuant le côté exigu, étouffant et finalement grisant de ces minuscules bars.

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Gif animé pour vous montrer le ventilo qui tourne et qui… euh… montre qu’il fait chaud.

Concernant les scènes de fesses, Shinjuku Midare reste un roman porno relativement sage, moins sexy que Kyoshi Mejika ou Seiai senseijutsu: sex ajikurabe qui seront réalisés par Sone l’année suivante. Typiquement le genre de pinku que l’on pourrait conseiller au néophyte désireux de découvrir en douceur les production érotiques d’alors de la Nikkatsu.

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Screenshot juste pour vous dire Miyako Yamaguchi a d’ailleurs été loin de tourner uniquement dans des roman porno. A noter par exemple une excellente prestation dans un film de Mitsuo Yanagimachi, Farewell to the Land.

Les plus aguerris pourront au contraire le trouver un peu fade mais l’intérêt est justement peut-être moins de s’enquiller des scènes humides que d’être plongé au cœur de la Golden Gai, dans l’un de ces minuscules bars où huit clients s’entassent pour parler à bâtons rompus de tout et de rien :

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Parfois raides les bâtons. N’attendez pas que je vous explique le pourquoi du comment de cette scène, c’est à vous de le découvrir, mais que voilà serveuse selon mon cœur !

Bref, sur cette belle image terminons l’article. Shinjuku Midaregai n’est pas un chef-d’oeuvre, certes, mais l’honnête film d’un honnête réalisateur qui a su avec force et réalisme nous montrer le douloureux quotidien de ces serveuses de la Golden Gai, femmes courageuses qui doivent sans cesse protéger leur délicat épiderme des tentatives libidineuses d’horribles étudiants en arts plastiques. Voilà de quoi en tout cas donner envie de se rendre à la Golden Gai et d’humer l’atmosphère délicieusement surannée qui y règne.

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 bijin-3-5Moyenne atteinte grâce à Miyako Yamaguchi que j’ai trouvée absolument délicieuse, de corps mais aussi dans sa manière de jouer ce petit bout de femme sexy tout à fait capable de botter le cul de son compagnon.

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Damned ! J’avais prévenu, Shinjuku Midaregai est relativement sage. Si vous n’avez pas votre dose de scènes de gymnastique, il convient de voir d’autres titres de Chusei Sone (comme ceux évoqués plus haut).

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6 Commentaires

  1. Article séduisant et donnant envie d’aller se perdre dans l’ambiance du Golden Gai 🙂

    • Je compte bien m’y reperdre l’été prochain.
      Mais pour l’ambiance, ne pas imaginer non plus des ruelles peuplées de braillards sous alcool. L’ambiance est quasi silencieuse, et c’est ce qui participe à l’attrait du lieu qui côtoie des avenues pour le coup bien plus bruyantes.
      Petite vidéo qui permet d’avoir une idée :

  2. Un bien sympathique rade, ma foi. Il donne envie d’y siroter 2-3 mousses, même si plus prude qu’à l’accoutumé.

    Pour le fait-divers, ça sent le roussi (OK, j’ai pas pu m’en empêcher, désolé). Les esprits clairvoyants ne pourront que te rejoindre sur les suspicions qui courent. D’ailleurs, c’est un bon sujet à débattre dans un de ces boui-boui de la Golden Gai entre deux sky et deux hôtesses.

    • Quelques jours plus tard je ne sais plus trop où en est l’enquête. Au dernière nouvelle ce serait un sans abri de 66 ans tellement bourré qu’il aurait mis le feu sans faire exprès. Bon, si c’est un pochtron qui a déconné avec ses allumettes au moment de s’offrir une sèche, c’est autre chose…

      • Effectivement, j’ai lu ce passage sur ce clodo’ mais bon… Tu le vois pas le Yak’, là. Filer une bouteille puis deux. Au milieu de celle-ci, le mec lui cause que sa vie, c’est de la merde en barre. Qu’il est à l’image d’un quartier qui doit crever. Le Yak’ lui mettant dans la tête que ce serait beau de voir cramer toute cette vermine d’un société qui se délite (genre écrits dark à la Ryu Murakami). Quelques yens dans sa poche crasseuse, le SDF ruminant sa haine et dans un éclair qui lui dirait « pourquoi pas ». Crac. Le feu se répand. J’appelle Sion Sono, voir si des fois ce début d’intrigue pourrait l’intéresser. Il nous rajouterait de la bijin, une morceau rap sanguinolent, du WTF à sa sauce, bref tu connais.

        • Imagination fertile, hein ? 🙂
          On n’a plus d’infos sur le gus, j’ai l’impression que la page Golden Gai est déjà de l’histoire ancienne, surtout après Kumamoto.

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