L’Incident (Yoshitaro Nomura – 1978)

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Le corps de la belle Hatsuko Sakai est retrouvé poignardé dans une forêt. Quelques jours plus tard, on arrête Hiroshi Ueda, un jeune ouvrier qui reconnaît l’avoir tuée. Et pourtant, alors que son procès commence, tout s’avère beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraît…

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事件 (Jiken aka the Incident)

Gros succès en son temps pour ce Jiken qui rafla à peu près toutes les récompenses. Il faut dire que cette histoire développée en près de 140 minutes est maîtrisée de bout en bout et surtout incarnée par une pléiade d’admirables acteurs qui parviennent à rendre extrêmement touchants leurs personnages. Ainsi  Shinobu Otake qui, dans le rôle de la jeune sœur et amoureuse éperdue d’Hiroshi (qui l’a mise enceinte), parvient à transformer son personnage de jeune fille effacée en femme de caractère à la fois déchirée et vindicative.

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J’ai beaucoup aimé aussi l’excellent Tsunehiko Watase qui montre touhjours une belle capacité à endosser des rôles très différents. Ici un scientifique en mission pour l’Antarctique (Antarctica), là un père de famille angoissé de voir sa fille mourir du tétanos (La Langue tordue), dans ce film un yakuza arrogant et violent (type de personnage qu’il a souvent joué dans sa carrière) mais non dénué d’une certaine humanité :

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Bref, que ce soit au niveau de la réalisation, de l’histoire ou du casting, on joue sur du velours et conseiller Jiken à quelqu’un qui n’aurait jamais vu de films de Nomura n’aurait rien d’une absurdité. Ce serait même la voix de la raison et pourtant, en comparaison de ses autres films (bon, au moins ceux chroniqués ici, j’avoue avoir encore du chemin à faire avant de découvrir ses 80 films), il n’est pas non plus impossible qu’il puisse rebuter par sa facture extrêmement classique. Cela est sans doute dû au fait que Jiken appartient au genre du film de procès. Après, si l’on aime les avocats charismatiques, les juges qui en imposent, les joutes oratoires qui vont faire émerger des secrets qui vont enfin permettre de toucher du doigt la vérité, nul doute qu’on y trouve largement son compte.

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J’aime les films de procès et j’aime les films de Nomura. Après, je resterais plus attaché à un Kichiku ou à un Vase de Sable. Pourquoi ? Sans doute la raison est à chercher du côté du romancier qui est à l’origine du matériau narratif. Pour Jiken, ce n’est pas l’immense Seicho Matsumoto qui a fourni le roman à adapter mais Shohei Ooka. Dans tous ces films précités le principe reste le même : pousser des personnages dans leurs derniers retranchements pour en extraire une terrible vérité. La découverte progressive des conditions du crime reste passionnante mais sans doute moins prenante que d’autres films, la faute sans doute à un secret que l’on voit venir d’assez loin.

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Quelques minutes avant le crime…

Petite déception à la fin donc, mais ce n’est pas si grave tant Jiken offre un plaisir de réalisation et d’interprétation de tous les instants, montrant la capacité d’alors de Nomura à lancer une passionnante machine narrative alternant romantisme (notamment dû à la musique d’Akutagawa) et cruauté. Difficile pour le spectateur de ne pas en redemander lorsque  apparaît et nous laisse tout de même un peu ému devant la jeune Yoshiko et son destin dostoïevskien à la Sonia, l’héroïne de Crime et Châtiment.

7,5/10

Pas de B-A à proposer. Celle présente sur Youtube spoile à fond les ballons.

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5 Commentaires

  1. Shohei Ooka: juste un homonyme, ou l’homme de « L’ombre des Fleurs » et des « Feux »?!
    Si c’est effectivement lui, cela ne paraît tout de même pas rien, non? Enfin, moi, en tout cas, pour le coup, je le trouve assez « immense », ce bonhomme.

    Bon, en attendant, on va donc aller mater ce « Jiken »

  2. Oui, c’est le même. Je n’ai rien lu d’Ooka mais attention ! loin de moi l’idée d’en faire un romancier inférieur. Je dis juste que jusqu’à présent, dans les multiples adaptation par Nomura d’univers appartenant des écrivains, j’ai surtout été touché par celles des romans de Matsumoto. Question de ressenti sans doute et peut-être vas-tu avoir une préférence marquée pour Jiken. En tout cas tu n’auras sûrement pas le sentiment d’avoir perdu ton temps à la fin, ça reste du tout bon.

  3. Puisque ça cause de Ooka, apparemment le dernier Tsukamoto (son adaptation de Les Feux) est vraiment très bien, une fois passé le cap de l’image dv (et vraiment à mille lieues niveau traitement de l’inégalable version d’Ichikawa).

    • Intéressant. Jamais convaincu lorsqu’un réal décide de faire un remake d’un chef d’oeuvre (genre Miike refaisant Hara-Kiri) mais là, du coup ça m’intrigue.

      • Pas (encore) vu le film d’Ichikawa, mais oui Tsukamoto est revenu en forme (plus de détails où tu sais).

        Et lorsqu’on lui a demandé pourquoi il tenait tant à adapter à son tour le roman d’Ôoka, il a précisé qu’il tenait à mettre davantage en avant la nature des Philippines qu’Ichikawa dans sa version.

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