Torakku Yarô : Goiken Muyô (Norifumi Suzuki – 1975)

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Pas très fan de la série des Tora san ? Vous avez pourtant essayé, vous vous êtes enquillé, empli de bonne volonté, quelques opus de la plus longue série de films du cinéma nippon mais non, rien à faire, vous n’avez pas accroché. Trop propret, trop gentillet, trop lent, trop de guimauve. Et à vrai dire, disons-le carrément, pas assez de sueur, de pisse, d’haleine chargée d’alcool, de bourre-pifs et de corps bijinesques ne demandant qu’à être caressés par les pognes d’un homme, un vrai.

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Ouais, parce que malgré tout le respect que j’ai pour lui, Torajiro Kuruma, niveau virilité, c’est pas ça.

Dans ce cas, moi je dis, que n’essayez-vous pas plutôt une autre série, celle des Camionneurs salopards (Torakku Yarô) ! Commencée six ans après le premier film des Tora san, cette série produite par la Toei en 1975 connut un succès certain qui lui valut de se décliner en dix films jusqu’en 1979, soit deux films par an, l’un au mois d’août, l’autre en décembre. Le tout réalisé par Norifumi « coussin péteur » Suzuki (surnom homologué durant l’époque Drink Cold) et interprété par Bunta Sugawara, l’homme à la mâchoire serrée, au regard acéré et à la gâchette facile, qui œuvra dans des films de Fukasaku où il interprétait des personnages de yakuzas explosifs et implacables.

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You’re talkin’ to me ?

Dans les Torakku Yarô, c’est un peu une autre chanson car ici Sugawara interprète le personnage de Momojiro Hoshi, alias « Ichibanboshi » (l’étoile n°1), un camionneur qui a en effet toutes les qualités pour être le number ouane de sa profession car il est fort en gueule, braillard, insolent, intrépide, possède une excellente descente, distribue une cinquantaine de pains dans la gueule par épisode et sait comment y faire pour jouer de la clé à mollette dans de délicates mécaniques.

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Quand bien même il s’agirait de ce genre de mécanique.

Bref, un mec bien et, on l’aura compris, passablement différent de Tora san. Différent mais aussi semblable puisque Momojiro partage deux caractéristiques. Il a d’abord le cœur sur la main. C’est plus fort que lui, aider la veuve et l’orphelin, c’est son truc. Dans ce premier opus intitule Torakku Yarô : Go-iken Muyô (soit, en traduction olrikesque : les Camionneurs salopards : mettez-vous votre avis au derche bande de truffes, je fais ce que je veux !), Momojiro aide un jeune marginal, une petite fille toute mimi abandonnée mais surtout une bijin qui ne sait pas si elle doit faire sa vie avec son amoureux parti pour un plan de carrière hasardeux. L’autre point commun est d’ailleurs lié à cette bijin : on retrouve dans les dix films le personnage de la madone, la fille splendide dont va inévitablement tomber amoureux Momojiro et dont on se dit qu’il va enfin pouvoir bâtir une vie familiale comme son copain Jonathan. Malheureusement, comme Tora san il est voué à rester un loup solitaire destiné non pas à se prendre des râteaux mais à découvrir que l’élue est déjà maquée quelque part. Chienne de vie…

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M’en parle pas ! M’en vais boire un coup pour oublier tiens !

Le premier film de la série est plutôt bien pourvu en bijins puisque Momojiro a la possibilité de se maquer avec deux jolies poupées. La première est Okyo, jouée par Junko Natsu (l’héroïne de Bad Girl Mako), authentique camionneuse sans poils aux jambes et qui ne sent pas sous les aisselles :

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Les routières sont sympas

Elle est la petite sœur de Dragon, autre camionneur et qui a comme un petit air de Charles Bronson. Okyo est en fait la femme idéale pour Momojiro. Evidemment, il est le seul à ne pas s’en apercevoir et à cause d’un quiproquo elle se destinera finalement à épouser quelqu’un d’autre.

En revanche pour ce qui est de la deuxième, pas de problème, Momo ne risque pas de passer à côté car sa rencontre avec Yoko dans les chiottes d’un resto (l’humour est souvent scato dans les Torakku Yarô) a tout du coup de foudre façon Julien Sorel et Madame de Rênal :

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Ce que voit Momo au sortir des gogues

Les détenteurs d’une maîtris ès bijin auront sans doute reconnu la douce Yutaka Nakajima déjà rencontrée lors de notre critique de Bakuhatsu ! Boso Yugi de Teruo Ishii. Du même Ishii, on la voit aussi dans the Executioner avec Sonny Chiba (c’est dire si la belle est une habituée des gros durs). Moins brutale que la gosse Okyo, Yoko incarne une douceur et un raffinement évidemment à des années lumière de Momojiro et l’on se doute que notre camionneur devra se contenter encore d’aller jouer avec ses prostituées dans leur salon rose en attendant de trouver chaussure à son pied.

A côté de ces deux intrigues, Suzuki, en bon camionneur-routard de la série B, aligne d’autres péripéties secondaires, comme la torchon qui brûle soudain entre Momo et Jonathan, agacé par l’intérêt subi de son pote pour un jeune marginal qui sera l’élu d’Okyo (fort heureusement, les deux copains se réconcilieront lors d’une partie de plage en fundoshi, amitié virile, quand tu nous tiens !), la guéguerre entre Dragon et Momo pour savoir lequel des deux est le plus burné ou encore la rencontre de l’adorable petite fille abandonnée à la recherche de son papa. Ça aurait pu paraître décousu, mais ces différents fils narratifs conviennent bien au mode de vie du routier, toujours sur les routes à faire de nouvelles rencontres (le marginal et la petite fille), mais aussi habitué des habituelles gargottes où il peut retrouver de vieilles connaissances (Okyo et Yoko). C’est du coup assez dense, toujours varié, et les une heure quarante défilent finalement sans trop de déplaisir tant Norifumi suzuki d’en donne à cœur joie. Très loin d’œuvres plus « sérieuses » comme ses meilleurs pinky violence, Suzuki livre un film volontiers outrancier mais somme toute sympathique. Définitivement à visionner avec des yakitoris et deux-trois canettes de Kirin.

Pour finir, qu’on se le dise, les neuf autres films de la série seront chroniqués en ces pages ! Bon, cela tiendra plus de la notice que de la longue exégèse (c’est pas Citizen Kane non plus), mais ces courts articles permettront au moins de faire apparaître les meilleurs opus. Pour celui-ci, voici la note :

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6 Commentaires

  1. bonne critique, tout ou y est. ce film ne propose ni plus ni moins mais je trouve qu’il a le mérite d’être divertissant tout en ne se fourvoyant pas dans des abus de gags limites ou des scènes de « contemplation  » de nibards gratuites. il y a juste ce qu’il faut et c’est ça que j’apprécie.

    • Oui, disons que Suzuki parvient à retenir la bride, ce qui ne sera pas toujours le cas. J’ai souvenir d’un Pantsu no Ana (« trou dans la culotte », tout un programme) nettement plus dans le trivial. Amusant mais tu as raison, le dosage dans ce premier opus des Torakku Yarô en fait un bon film divertissant. J’attends de voir quand même les ultimes épisodes pour voir si Suzuki a su se contrôler jusqu’au bout.
      Et merci pour le commentaire.

  2. quand on connait le réalisateur, on pouvait s’attendre à pire (selon les gouts bien entendu). j’ai aussi trouvé qu’il a bien exploité Bunta, qui n’est pas mauvais du tout dans le registre comique. vu le succès au box-office à l’époque, je pense qu’il a du plus ou moins garder le cap, et la recette. je sais que certaines guest bien connu sot venues à tour de rôle jouer dans les films de la saga (Wakayama, Chiba…) et j’aimerais bien voir ce que ça donne mais pour l’instant mis à part le premier opus les films n’ont pas été traduit.

  3. Oui, comme toujours lorsqu’un acteur connu pour ses rôles sérieux vire de bord pour pratiquer le registre comique (et parfois du genre qui tache), il prête le flanc au ridicule et force est de constater que ce n’est pas le cas avec Sugawara.
    Je présenterai le 2ème opus d’ici deux à trois semaines.

  4. La série est assez constante en ce qui concerne l’équilibre gaudriole/drama/bastons qui fonctionne bien dans ce premier volet (exploitation oblige, on ne change pas une recette qui marche), le duo Sugawara+Aikawa pouvant se voir comme un pendant japonais au tandem Spencer+Hill (en bien plus grivois).
    Et puis le thème est super.

  5. J’avais oublié le thème. Là aussi, gros point commun avec Tora-san.

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