(posters) les Envahisseurs attaquent (Ishiro Honda – 1968)

A une époque où les studios Marvel font tourner à tour de bras des films de Super-Héros afin de pouvoir tous les concentrer dans les Avengers (le deuxième opus est évidemment déjà dans les cartons), il est bon de rappeler que les Japonais n’avaient pas attendu pour inventer cette idée d’un film somme spectaculaire où seraient réunis les non moins spectaculaires personnages de précédents films. Ainsi Kaiju Soshingeki (aka Destroy all Monsters, aka les Envahisseurs attaquent), neuvième film de la série des Godzilla. Sorti en 1968, il est aussi le dernier à réunir la fine équipe qui avait contribué à la célébrité internationale du monstre, à savoir Ishiro Honda à la caméra, Akira Ifubuke à la partition, Eiji Tsuburaya aux effets spéciaux et Tomoyuki Tanaka à la production. Une page s’apprête à être tourner mais avant cela, on sent derrière le projet la volonté d’en remontrer une dernière fois, de placer la barre très haut en montrer une palanquée de monstres s’évadant d’une « île des monstres » ayant mal joué son rôle de prison.

Sans aller jusqu’à le considérer comme un navet, la critique actuelle considère cet opus à sa juste mesure, c’est-à-dire comme un bon divertissement made in Tonton Honda mais loin de ses meilleurs opus notamment, cela va sans dire, son tout premier Godzilla. Il n’importe, il est amusant de voir à travers les affiches comment le projet était présenté, au Japon et de l’autre côté du Pacifique, de manière à faire comprendre au spectateur qu’attention ! ce qu’il allait voir, il n’aurait pas l’occasion de le voir deux fois dans sa vie. Ainsi l’affiche japonaise :

 

Pour le petit Japonais gavé de kaiju eiga, il y avait sans doute de quoi ouvrir de grands yeux et de regarder bouche bée la magnifique affiche trônant sur la façade de son cinéma préféré. Pas un seul n’est oublié : Godzilla, Minilla, King Ghidorah, Rodan, Gorosaurus, Anguirus, Kumonga, Manda, Baragon, Varan et Mothra, ouf! Et l’affiche peut bien être bordée d’une mignonne petite partition de musique (sic), on comprend rapidement que le film va être plus mouvementé qu’un concert de Gustav Leonardt jouant le Clavier bien tempéré à la salle Pleyel. On retrouve ici les motifs bien connus de l’appareil militaire tentant de stopper les kaiju, le ciel crépusculaire faisant craindre une fin du monde à cause des damnées bestioles et une ville à l’arrière-plan comme bouffée par l’écrasante présence des monstres, simple jouet qui ne va pas tarder à rejoindre le fameux monument au premier plan (pas de bol pour nous, c’est notre Arc !). Bref, l’affiche est basique, tape-à-l’oeil mais pour l’amateur de kaiju totalement jouissive car rendant possible ce qui n’était jusqu’alors possible qu’avec des jouets en plastique : des monstres célèbres qui vont être réunis et probablement se fritter entre eux (l’affiche donne clairement l’impression que des clans vont se faire à l’intérieur de cette dream team de kaijus).

Il existe une deuxième affiche japonaise :

C’est sensiblement la même idée de tout montrer avec cependant quelques différences. D’abord plus de traces de ville, comme si les monstres avaient déjà tout réduit en cendres. Peu importe en fait, puisque bien plus que la précédente qui ne faisait que suggérer, cette affiche semble clairement jouer la carte des kaijus qui vont manifestement s’envoyer des bourre-pifs. Chouette alors !

Traversons maintenant le Pacifique et voyons ce que les américains imaginèrent un an après la sortie du film au Japon :

On retrouve ici le goût des affiches qui ne plaisantent pas en montrant une humanité écrasée, piétinée, écrabouillée bref, une humanité franchement mal barrée. On aperçoit ainsi au premier plan une masse de civils en train de fuir précipitamment dans un mouvement de panique qui évoque par exemple l’affiche de Them! , mais surtout le motif des flammes qui ravagent les bâtiments avec une force qui semble inarrêtable (on songe ici aux affiches de la Guerre des Monde, très friandes en couleurs chaudes). Autre différence notable : la gueule de nos kaijus, ici grimaçants et franchement patibulaires, loin de leur habituelle inexpressivité. Le respect envers de nouvelles gloires d’une certaine culture populaire n’a ici pas lieu d’être. En revanche, un autre élément apparaît et cela va totalement de soi : la soucoupe volante, LE topos de la culture sciencefictionnesque des Etats-Unis.

On en arrive maintenant aux inévitables affiches WTF?. Pour cela, ami lecteur, prends ton élan et suis-moi, nous allons bondir par-dessus l’Atlantique pour atterrir au pays du Calcio et des Lamborghinis :

 

La première, bien qu’assez peu intéressante avec son morcellement en quatre images, est finalement la plus honnête. Pour les autres, on salue le grand professionnalisme des distributeurs qui ont décidé de mettre l’accent sur King Kong… alors qu’il n’apparaît pas dans le film ! Après tout c’est vrai quoi ! à quoi bon se faire chier à représenter plein de monstres que personne ne connaît alors qu’il y a toujours ce bon vieux Kong pour attirer le chaland ? Un petit changement de titre au passage histoire de limiter quand même un poil la tromperie sur la marchandise (« gli eredi di King Kong » soit « les Héritiers de King Kong », ben voyons) et emballé c’est pesé, le film pourra être balancé sur les toiles. Les spectateurs auront bien droit à un petit sentiment de foutage de gueule mais cela dit, après avoir été gavé par des peplums décérébrant et des westerns spagetti tous plus ou moins aussi mauvais les uns que  les autres, nul doute que le spectateur lambda n’y aura rien trouvé à redire. Allez, on appréciera malgré tout la troisième affiche, assez réussi dans ce graphisme misant tout sur une terreur outrancière.

A côté d’elle, l’affiche française paraît du coup un peu pâlotte :

Mais à y regarder de plus près, elle est est intéressante en ce qu’elle semble synthétiser les styles des affiches japonaises, américaines et italiennes. japonaises parce qu’elle reprend avec une certaine fidélité l’apparence originale de ces chers kaijus. On retrouve par ailleurs la ville à l’arrière-plan et l’avion. Américaines parce qu’on y retrouve le motif des flammes tout comme celui de la soucoupe volante. Enfin italiennes parce que tout comme la précédente affiche évoquée, un pot de peinture rouge semble avoir été déversé sur l’affiche pour dramatiser les ravages perpétrés par les affreuses bêtes. Pas forcément originale mais finalement bien conçue.

Mais que dire de cette ultime affiche ?

J’en ai rêvé, les Studios Marbeuf l’on fait ! Je veux parler de l’affiche repoussoir. Un pauvre photogramme même pas en couleurs, un gros rectangle orange bouffant la moitié de l’affiche et une poignée d’informations en très gros caractères. Il y a un peu du syndrome Akira dans cette affiche, de celui qui nous fait nous demander si le graphiste habituel du studio n’était pas atteint d’une gastro et n’a pas dû céder la place à un stagiaire trisomique ou à une secrétaire sénile. Et pourtant, et pourtant, au contraire de celle d’Akira, je ne peux m’empêcher de la trouver sympa, cette affiche, renversante dans son rétro échevelé et anachronique en cette fin des 60’s. Et puis, il y a ce « Q » renversé dans le titre. L’affiche sent tellement l’amateurisme que l’on peut y voir une ultime conséquence de ce dilettantisme. Pour ma part, je préfère y voir autre chose : la conséquence de la furia des kaijus qui, quoique absents, n’en font pas moins trembler les caractères d’imprimerie de tous leurs membres.

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4 Commentaires

  1. Autant mettre un titre avec « King Kong » qui parle vraiment aux spectateur potentiels, ça se comprend, mais aller jusqu’à le foutre en plein milieu de l’affiche comme sur la 2ème, c’est vraiment révélateur des intentions des distributeurs en effet (d’ailleurs j’aurais écrit « alors qu’il n’apparaît évidemment pas dans le film »).

    On notera d’ailleurs ironiquement que là où les créatures sont les plus connues, leur noms respectifs sont scrupuleusement indiqués sur l’affiche…

  2. En fait, j’avais en tête « Godzilla contre King Kong » au moment de taper ces lignes. Car oui, le célèbre gorille a bien fait partie du bestiaire kajuesque. Aussi dans un tel film fouurre-tout le retrouver, même le temps d’une scène de quelques secondes, n’aurait pas été totalement impensable.

  3. Pour information la dernière photo n’est pas une affiche, mais le devant du dossier de presse français du premier distributeur « Marbeuf ».
    Il existe une affiche française de ce distributeur avec le même motif que le poster italien.

  4. Oups, petit emballement de ma part, merci pour la précision.

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