LIVE (Kishin Shinoyama et Harumi Inoue – 1999)

Si l’on vous dit « plus grand photographe japonais de nu », sans doute pensez-vous immédiatement à Araki. Félicitations, vous faites preuve d’un bon réflexe. Mais discutable aussi, car il est un autre photographe, de la même génération qu’Araki (ils sont tous deux nés en 1940), qui peut lui aussi prétendre à la plus haute marche du podium : je veux bien sur parler de…

Kishin Shinoyama !

On ne rit pas : sous les frisouilles se cache un redoutable créateur qui, depuis les années 60, s’est taillé une solide réputation internationale de photographe de nu. Et j’ajouterais: de fameux portraitiste puisque certaines images iconiques de la culture du XXème siècle sont de lui. Citons par exemple la pochette de Double Fantasy :

Ou encore le célèbre portrait de Mishima :

Ajoutons à cela qu’il sait aussi être un excellent photographe voyageur, plusieurs de ses photobooks évoquant ses voyages, aussi bien en Asie (Thibet, Corée, Chine…) qu’en Europe (avec un livre sur le château de Louis II de Bavière).

Mais malgré toutes ces cordes à son arc, il faut bien reconnaître qu’il en est une où il est passé maître : la photo de bijin à oilpé. Difficile de résumer le style Shinoyama en la matière tant il est en constante évolution. A un extrême on trouve des compositions frôlant l’abstraction :

A un autre des photos d’idols qui ne donnent pas vraiment l’impression d’être très différentes de l’essentiel de la production actuelle :

Yuma Asami, plantureuse loucheuse et célèbre JAV idol.

Entre ces deux extrêmes, des centaines, des milliers de photos de corps, dans toutes les positions et dans tous les formats : carrés, rectangulaires, en studio, en couleurs, en N&B, en extérieur ou à gros grains, difficile de ne pas trouver un minimum son compte dans cette œuvre. Shinoyama est un des maîtres du corps féminin, et les femmes le savent bien. A ses pieds qu’elles sont pour se faire photographier par lui !

Eh ouais !  C’est ça d’avoir du génie les kids!

Avec évidemment tous les avantages que ce génie permet d’obtenir :

D’après vous, où se trouve la main droite de Shinoyama sama ?

Bon, vous aurez compris qu’être photographe de nu est un beau métier, surtout lorsqu’on a les galons de Shinoyama. Vous êtes alors sûrs que toutes les souris accourront pour offrir leur plastique vallonnée à votre objectif.

Toutes qu’on vous dit !

Parmi elles, il est temps d’évoquer celle en ouverture de cet article :

Harumi Inoue, ici dans son bain pour faire honneur à « Bulles de Japon »

Nous sommes en 1999, un an avant son apparition dans Freeze Me, huis clos efficace dans lequel son personnage tue et congèle ses anciens violeurs (un chef d’œuvre quoi !) :

On voit que les cheveux ont eu le temps de repousser. Car à l’époque de ce photobook, miss Inoue a la toison bien plus courte :

Celle du haut en tout cas

C’est la première originalité de ce photobook : le look d’Inoue qui tranche avec les habituelles gravures idoles à la coiffure toujours bien soignée. Ici, c’est presque le crâne rasé pour ce petit boulet de canon qu’est la pétillante Harumi. La tête dans le guidon, elle se propulse fiévreusement à travers les 123 photos du livre. Pas de sophistication excessive dans les compositions, c’est un peu Harumi telle qu’en elle-même, à savoir drôle, délurée, croquant la vie à pleine dents :

Dents qu’elle montre très agréablement (tout comme le reste d’ailleurs)

Comme sûre de la beauté de son corps, le modèle se lâche, balançant volontiers les grands sourires voire les éclats de rire hystériques :

Là aussi, il y a une nette rupture par rapport aux innombrables visages tout en retenue des gravure idols. Avec Inoue, le visage devient élastique, surjouant les expressions, masque de Kabuki humain qui saute à la gueule du lecteur avant que les yeux de celui-ci ne s’attarde sur la perfection plastique de la belle et de son environnement. Je passe rapidement sur la beauté de son corps. Alors âgé de 25 ans, son corps n’a pas encore été entamé par la maternité. 1m64, de jolies mensurations (88-59-88, merci le Wiki japonais!) et une finesse due au fait qu’Inoue est une nageuse accomplie. Tout cela n’est pas sans lui donner un côté félin qui, on ne le dira décidément jamais assez, tranche aussi avec les habituels photobooks. C’est un corps parfait, sûr de son pouvoir :

… mais ne cherchant pas forcément à prendre systématiquement la pose. Il ne se montre pas, il est, tout simplement, il fait ce qu’il veut et tant pis s’il peut parfois paraître un poil dégingandé :

Expressions en liberté, corps en liberté, et bijin en liberté. Le livre est en fait constitué d’une dizaine de mini séries dans lesquelles Inoue évolue librement avec un papillon frisottant autour d’elle qui s’appelle Kishin Shinoyama : à la piscine, près d’une usine, en ville, sur l’herbe, dans son bain, à la plage ou dans le métro :

Avec un côté Wong Kar Wai pour cette dernière série

On est là aussi loin de ses photobooks où l’on admire une donzelle s’exhibant docilement devant l’objectif de son photographe. Rappelons que le titre est « LIVE » et effectivement, on a l’impression d’être en prise directe avec l’intimité de la belle Harumi. Il y a certes une mise en scène, mais c’est une mise en scène qui donne l’impression d’être improvisée, emportée par le flux de vie que lui insuffle Harumi et qu’essaye de capter tant bien que mal Shinoyama :

Quitte à livrer par la suite des photos légèrement floues.

C’est finalement une des marques de fabrique du père Shinoyama, ce style de semi-improvisation qui va saisir une beauté dans l’espace mais aussi en donnant l’impression de la durée, du dynamisme du shooting. Le lecteur est certes devant les pages de son photobook, mais il n’est parfois pas loin de percevoir les éclats de rire du modèle au crâne (presque) rasé.

C’est tout le prix de ce photobook qui montre qu’un livre de nu n’est pas toujours qu’une collection de corps somptueux mais à la longue ennuyeux. Oui, le corps d’Harumi Inoue est somptueux…

Allez, une dernière, vous avez été sages.

… mais ses poses et son énergie sans cesse renouvelées font regretter à la fin que le livre ne fasse que 123 pages. LIVE n’est peut-être pas le meilleur photobook de nu de Shinoyama, mais avec la multitude de mini séries qu’il propose, il est certainement un de ses plus plaisants, celui qui témoigne le plus de la connivence du photographe avec l’un de ses modèles et celui qui donnerait presque l’impression au lecteur d’être le petit copain d’une Harumi Inoue perpétuellement en vadrouille et ça, vous avouerez que ça ne se refuse pas.

« Absolument Olrik kun, ça ne se refuse pas, et j’ai encore plein de livres de bijins à poil que tu te dois de chroniquer! »

Aye aye sir ! Après LIVE, j’évoquerai très certainement, si mes chers lecteurs sont jouasses, d’autres opus du vieux maître ès bijins sur papier glacé…

 

 

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14 Commentaires

  1. Je cherche désespérément son photobook avec Saori Hara…

    • Bienvenue au club ! J’ai passé pas mal de temps sur le net pour dégoter « 20XX Tokyo », en vain. Apparemment le meilleur plan est de l’acheter d’occase mais franchement :
      http://page5.auctions.yahoo.co.jp/jp/auction/e115102219
      27800 yens pour un livre qui n’a sans doute pas beaucoup de photos, ça fait franchement mal.
      Un truc qui serait cool : que Taschen nous fasse un bon gros bouquin sur Shinoyama comme ils l’ont fait avec Araki (livre d’ailleurs épuisé).

  2. Le prix est effectivement exagéré… Malgré la beauté des photos, dont certaines sont visibles ici :

    http://www.jousse-entreprise.com/gallery.php?id=56

  3. et plus ici : http://avidols.tk/saori-hara-no-nude-by-kishin-1-20xx-tokyo/

    (J’arrête : je me fais du mal.)

    Merci pour cet article en tout cas.0

  4. Oui, ce sont les quelques photos que l’on peu trouver à force de patience. Autant je me fous pas mal de Saori Hara la hardeuse, autant la Saori gravure Idol m’intéresse, surtout lorsqu’un vieux briscard comme Shinoyama utilise son corps et son beau visage inexpressif au milieu d’un décor urbain. On en redemande.

  5. Non, non, monsieur Olrik, n’insistez pas, je ne veux pas de vos 15 barils d’idols jetables, je veux mon baril d’Harumi Inoue et c’est tout.

  6. « Idols jetables » ? Nom de Dieu ! C’est une expression à égorger tout le monde ! T’as de la chance que la belle prestation de ce matin de nos « Brave Blossoms » m’ait mis de bonne humeur, sans cela….
    Mais d’un autre côté, je te remercie, cela va m’inciter à dégainer prochainement un article sur cette mystérieuse queue de cheval :
    [img]http://bullesdejapon.fr/wp-content/uploads/2011/09/apple.jpg[/img]
    On verra alors si y’a que Harumi Inoue dans la vie !

    Olrik, z’avez pas fini de bouffer du photobook de bijins old school.

  7. Point de méprise entre nous. Je n’insinue pas que toutes les idols sont jetables et l’usage du possessif était purement emphatique.
    Je comparais juste la plastique (et je devine la personnalité) de Mlle Inoue avec bon nombre de gourgandines d’aujourd’hui aux personnalités et aux charismes comparables à ceux d’une tanche. (d’ailleurs, elles ont toutes le même regard – de merlan frit – inexpressif et produit à la chaîne, bref tout le contraire de Harumi – oui je me permets même de l’appeler de son prénom tiens)

  8. « Je comparais juste la plastique (et je devine la personnalité) de Mlle Inoue avec bon nombre de gourgandines d’aujourd’hui aux personnalités et aux charismes comparables à ceux d’une tanche.  »

    Je pense vraiment que c’est une question de relation, de complicité, d’interaction avec le photographe, et bien sûr de talent de celui-ci, plus que de plastique ou de personnalité. J’ai vu des hotos d’Inoue prises par d’autres photographes où franchement, rien ne sortait du lot, y compris elle-même. A l’inverse, de petites dindes se retrouvent avec un je ne sais quoi en plus dès qu’elles sont shootés par quelqu’un de la trempe d’un Shinoyama :
    null
    Kotono & Sakura Ichinose (par Shinoyama)
    Et puis il faut voir aussi les, disons « sous-genres » des publications photographiques de charme. Entre les pages lolitesques d’un Young Jump et les photos d’une JAV idol comme Rio Hamasaki :

    BOUM!

    « Effets » différents (si tu vois ce que je veux dire) et moyens différents. On vend la fraîcheur d’un minois ou un corps incendiaire, la « personnalité » passe au second plan. En cela tu as raison donc, mais les exemples auxquels tu penses sont prisonniers d’une sorte de cahier des charges dont se fout un Shinoyama qui a passé sa vie à montrer qu’il n’en avait pas. Bon allez, je me tais et t’offre une partie de King of Fighters 94 avec Kotono :
    [img]http://bullesdejapon.fr/wp-content/uploads/2011/09/kotono-2.jpg[/img]

  9. Ah oui, je comprends mieux.
    Et effectivement la petite de la deuxième photo me laisse de marbre (en fait non pas de marbre, plutôt une impression très négative et débandante en fait – excusez le terme), et je ne comprends toujours pas comment ce genre de photo peut mettre en émoi nos otakus nationaux, ou alors tout simplement parce qu’ils n’ont jamais approché une vraie femme en vraie.
    Pour leurs pendants Japonais, je me dis que ça doit être une différence culturelle, alors je laisse filer.

  10. Héhé, je me fais une triple dose de culture Japon/Photo/Bijin en deux deux avec cette série d’articles. Légère, illustrée, documentée, analysée sans excès, d’Araki à Cartier Bresson, toute la série m’a fait kiffer (je sais même pas s’il s’agit d’une série en fait). Je paye mon hommage ici à cause du côté Wong Kar Wai ghetto style de la première heure des dernières photos qui m’a donné envie de revoir Fallen Angels pour la 10ème fois. Du beau boulot Monsieur Olrik.

  11. « Je ne sais même pas s’il s’agit d’une série en fait ».

    Non, ce n’est pas une série, c’est juste le bordel, tout simplement. Il y a d’un côté les articles sur les photobooks, et de l’autre ceux sur les photographes qui ont shooté au Japon. J’attends d’en faire un ou deux en plus de ce style avant de créer la sous-rubrique.

    Joli score concernant Fallen Angels en tout cas. Moi, c’est plus Chungking sur lequel j’avais jeté mon dévolu à l’époque. Me demande d’ailleurs ce que peut bien fabriquer le père Wai. C’était quoi son dernier ? Pas le machin avec Norah Jones ? Ça commence à faire déjà…

    Tiens, sinon je me prépare mentalement à me mater ce soir un film, un certain Café Noir que tu dois connaître. Faut-il justement que je me gave d’expressos pour tenir jusqu’au bout ? J’ai comme l’impression que le titre est un tuyau donné au spectateur…

  12. Si, si, ca fait 5 ans et c’était bien le truc avec Norah Jones. Mais le père Wai prépare un nouveau film qui vend du rêve : Tony Leung, Zhang Ziyi, de la pluie, des ralentis, des combats au sabre… et un nouveau chef op’, français (Philippe Le Sourd).
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=8Ngxn9NzLzs

    J’exagère peut-être un peu pour fallen angels, mais un poil seulement. Chunking Express ne suit pas loin derrière au compteur et la dernière fois que j’ai revu 2046 j’ai encore plus pris mon pied que la première. Bref j’aime beaucoup Wong.

    J’ai pas vu café noir faute de… sous titres (je crois bien que t’as une source intéressante dans le domaine). Je l’avais raté au FFCF en 2011 pour diverses raisons mais les échos que j’ai eu sont plutôt positifs, notamment ceux de mon comparse de KBP. Perso, si ce n’est pas sur grand écran et au cinoch, je pense que je me lancerais uniquement armé d’une cafetière d’un casse-croute et d’un bloc notes. Mais je me lancerais sans appréhension et avec plaisir.

  13. On parle de Chungking et tu me dis que ce bon vieux Tony va apparaître dans un film de kung fu dirigé par Kar Wai ! J’espère qu’il va sortir en France car là, avec un telle bande -annonce, ça va être clairement Noël avant l’heure !

    2046 fait définitivement partie de ces films qu’il faut que je revoie. Il ne m’avait pas fait grande impression la première fois, à tort sûrement.

    Pour Café Noir, je ne me fais pas trop de soucis non plus. Quand on aime le cinéma asiatique, on est forcément un peu vacciné pour ce qui est des films longs et lents. C’est quelqu’un qui s’est enquillé trois fois Eureka d’Aoyama, toujours avec la même délectation, qui l’écrit !

    Pour ma source, je t’envoie ça.

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